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le bonheur ne se cache pas. vdm usagers il y a quelques mois, j’ai « aimé », je me suis abonnée à une page facebook qui s’appelle « vdm éducateur » , entendez par là « vie de merde éducateur », présentée comme suit « une anecdote ? un grand moment de solitude ? que ce soit la loose ou hilarant partage ton experience par message privé… anonymat préservé ! » . je sais pas trop comment j’ai atterri sur cette page (sans doute via les nombreux groupes de partage éducatifs dont je fais partie) mais me voilà donc, depuis quelques mois, à lire quelques anecdotes qui ont l’air de faire du bien à ceux qui les racontent et à certain(e)(s) qui les lisent. au départ, j’avoue ! j’en ai lu quelques unes qui m’ont fait bien marrer. sauf que ça va bien cinq minutes ! les phrases trop choupinettes (il fut se l’avouer) que les enfants peuvent nous envoyer sans que nous puissions nous y attendre, ça oui ! mais certains posts me questionnaient quant à leur pertinence. le but principal, où est il quant tout ce qui semble vous faire rire est la moquerie ? si, si ! et puis ce matin est arrivé. avec mes collègues, nous avons crée un groupe de discussions partagées sur nos mobiles. comme ça, on peut se faire passer les infos importantes, les photos toussa toussa ! evidemment, difficile de se couper du boulot quand on reçoit des messages sur nos repos. alerte désactivée, basta ! ce matin, je consulte cette messagerie et je tombe sur ça : « -y a qui comme enfants aujourd’hui ? - - il y a … … … et …. - - génial, jsuis trop dépitée. - -lol - -4 petits et un pot de colle. journée de merde lol. » comprenez que j’ai été agacée ! je fais donc un tour sur le fameux vdm éducateurs. voici ce que j’y trouve : « educ en mecs, je n’oublierais jamais le jour où b. jeune fille de 16 ans un peu limitée vient me voir avec son tampon à la main pour me demander dans quel trou elle doit le mettre… connaissant bien cette jeune et la maiconnaissance du corps je lui demande tout d’abord si elle sait combien elle en a. et elle me répond très sûre d’elle : « bah oui j’en ai 4 » vdm. » alors bon moi je veux bien rigoler et tout, c’est important l’humain toussa on a compris, je pense même que c’est vraiment très important de dire qu’on en a marre ou qu’il nous fait chier celui-là quand on rentre dans sa voiture ou quand on boit un café avec un collègue. vraiment, il faut se lâcher sinon ça reste dedans, ça fait du poison et puis ça se transforme en rancoeur , c’est pas du tout rigolo ni agréable. quand j’ai vu cette « anecdote » pourtant, j’ai été chiffonnée. rire, ok. souffler, ok. parler de nos émotions si intenses, puissantes et fortes soient-elles, ok. parler des gens en les qualifiant avec condescendance et enfoncer le clou en leur manquant clairement de respect, je dis non . et même si l’admin de ce groupe précise bien que « celui ou celle qui trouvent cette page, les propos, les fautes d’orthographes, vraiment trop insupportable … quittez nous sans vous en prendre aux autres et sans tenter de m’expliquer votre point de vue … je ne vous retiens pas vous êtes libre… au pire je vous banni pour vous aider à nous séparer » , bah moi j’ai quand même envie d’expliquer mon point de vue à ceux que ça intéresse avant de quitter ce groupe et ce réseau social. qu’on se le dise, aujourd’hui j’avais franchement autre chose à faire mais j’ai pensé à ces hommes et ces femmes qui, faute de mieux, placent leurs vies entre nos mains, passent leurs journées avec nous, leurs soirées, leurs nuits parfois, s’attachent à nous ou nous détestent. ceux et celles qui regardent la vie dehors, hors les murs de l’institution en se disant qu’il n’y a pas de place là-bas pour eux. ceux et celles qui, devenus grands, diront que les éducs sont des connards et qu’ils servent à rien. j’ai pensé à nos familles, vos familles, qui comptent peut-être des personnes en situation de handicap, vivant avec une maladie psychique, des vieilles ou des vieux malades, des enfants placés, des enfants ou adolescents autistes. j’ai pensé à ceux et celles que j’ai rencontrés dans ma petite vie d’éducatrice et avec qui j’ai souhaité le plus au monde entretenir une relation respectueuse, ni en haut ni en bas, juste là avec mon incompétence et leurs savoirs. je me suis rappelé de leurs paroles, de leur regard sur eux-mêmes, de leur légitime colère à l’égard des professionnels. alors non aujourd’hui je ne me tairais pas . aujourd’hui je parlerai pour eux, parce que cette « jeune fille de 16 ans un peu limitée » ne pourra pas le faire publiquement et ne pourra se défendre seule, de sa place d’usagère (entendez donc, de dominée oui, oui ! ). je le fais pour elle et pour les autres moqués et humiliés par des soi-disant professionnels qui pensent pouvoir dire tout ce qu’ils veulent sous-couvert d’anonymat. je le fais pour elle parce que je suis des leurs et que je préfère de loin me ranger du côté de celles et ceux que l’on nomme « usagers ». « la jeune fille de 16 ans un peu limitée » je la plains beaucoup parce que je pense qu’elle est surtout limitée par les murs qui l’entourent et les adultes supposés savoir qui l’accompagnent, l’éduquent, l’aident chaque jour. les limites sont d’abord créées par l’environnement . nous sommes limités par des barrières, des interdits, des obstacles. sans entraves, nous sommes des êtres libres, pourvues de qualités, de compétences, de savoir-faire et de savoirs issus de notre expérience. face aux difficultés que rencontrent les personnes que nous accompagnons, il est fort à parier que de grandes compétences aient émergé mais qu’elles sont dissimulées par ceux qui savent et qui ont le pouvoir. « connaissant bien cette jeune et sa méconnaissance du corps » comment , mais comment, peut-on affirmer connaître l’autre quand on l’envisage sous ses limites/limitations/difficultés ? d’ailleurs, comment peut-on dire que nous connaissons les gens que nous accompagnons ? pensons-nous vraiment avoir ce pouvoir, ce savoir sur l’autre que l’autre n’a pas ? personnellement je pense que tout ce que nous ne savons pas sur l’autre est une chance pour lui de prendre du pouvoir sur sa vie et de décider ce qu’il est et ce qu’il veut… ceux qui partagent ma vie savent à quel point ma vision de l’éducation va dans ce sens, je ne saurais donc que répéter que c’est par nos manques, nos incompétences, notre absence de savoir que nous laissons de la place à l’autre. concernant la méconnaissance de cette jeune fille sur son corps, on se posera peut-être la question de ce qui a pu lui être proposée pour en connaître un peu plus (et pour éventuellement en disposer librement, de son corps… mais non, en fait, plutôt que de l’aider, notre cher éducateur préfère jouer aux devinettes : « je lui demande tout d’abord si elle sait combien elle en a ». a ce niveau là de la lecture, j’ai presque du mal à écrire à quel point je trouve ce propos irrespectueux et j’ai juste envie de poser une question : « hé toi l’éduc tu n’as même pas honte ? » des éducs qui disent des conneries, ça existe (d’ailleurs j’ai du en dire quelquefois hein, on est humains), mais des éducs qui disent des conneries sans s’en rendre compte et qui les publient sur un réseau social comptant pas moins de 15000 abonnés, ça devient quand même grave si on imagine une seule seconde ce que pourrait ressentir cette « jeune fille » ou ses parents (qui n’ont donc aucune marge de manoeuvre quant au choix de leurs accompagnants) s’ils lisaient cette anecdote. donc on est bien d’accord, petit éduc qui accompagne des jeunes un peu limités mais dont la personnalité n’a aucun secret pour toi, tu proposes des devinettes salaces et mal placés à ces mêmes personnes, pour… te marrer/vérifier leurs connaissances/partager avec tes collègues ? ok. laisse-moi juste alors, en parler publiquement parce que je pense que les gens doivent savoir ce que peut être parfois la réalité du travail social. des cons, persuadés de s’occuper de con, pour se persuader d’être moins cons. 27 avril, 2016 à 19 h 53 min | commentaires